Vous n’avez pas pu passer à côté (à moins que vous ne viviez dans une grotte, mais même là, si vous lisez ce blog, vous avez forcément accès à Internet et vous ne pouvez quand même pas avoir zappé la Une de Yahuu, de Citron ou de laterre.fr…) : cette nuit, l’oscar de la meilleure actrice de l’année est revenu à la ravissante (et française, parce que sinon les JT s’en taperaient complètement) Marion Cotillard, pour sa performance dans La Môme, d’Olivier Dahan. Bon, je ne reviendrai pas sur la qualité du film lui-même, ceux qui me connaissent savent que je me suis bien fait chier devant ce film bruyant et tire-larme au scénario mal agencé (franchement, une personne qui ne connait pas bien la vie de Piaf ne peut que se paumer dans cette trame narrative qui joue les allers-retours temporels permanents). Mais la question n’est pas là. Ce n’est pas l’oscar du scénario, mais l’oscar de la meilleure actrice, qui a été attribué pour ce film.
Il y a effectivement une performance d’actrice dans ce film, et cela se récompense. J’aime beaucoup Marion Cotillard depuis longtemps, déjà. J’avais déjà retenu son nom au générique de Taxi, il y a dix ans, car je sentais que cette fille avait un magnifique potentiel. D’ailleurs, je l’avais vue avant dans un téléfilm qui s’intitulait Chloé, sur une ado qui se prostitue, et ça m’avait totalement traumatisé. J’ai beaucoup apprécié la plupart des prestations de la demoiselle depuis, notamment dans Un long dimanche de fiançailles, Jeux d’enfants, Les Jolies Choses, Sauf le respect que je vous dois, etc. Cette année, elle réalise le grand chelem (inédit) des récompenses de la meilleure actrice : le Golden Globe, le BAFTA, le César et enfin l’Oscar. On ne peut que se réjouir pour elle et pour sa carrière encore jeune. Mais à côté de cela, je relève une chose : si l’on regarde les oscars de la meilleure actrice ces dernières années, on retrouve une belle brochette de personnages féminins réels. De Elisabeth II (Helen Mirren, oscar de la meilleure actrice pour The Queen) à June Carter (Reese Witherspoon dans Walk the line) en passant par Virginia Woolf (Nicole Kidman dans The Hours) ou même… Erin Brockovich, le biopic est décidément LE genre phare à Hollywood pour le gain d’un oscar. D’ailleurs, chez les hommes, les oscars décernés ces dernières années illustrent le même goût pour les personnages ayant réellement existé (Truman Capote, Ray, Le dernier roi d’écosse…). Ce qui est préoccupant dans cette tendance, c’est qu’elle valorise des performances d’acteurs mesurables. Pas seulement la capacité à donner vie à un personnage, mais aussi la ressemblance physique, les mimiques, la voix d’un personnage existant. On encense les héros des biopics parce qu’on peut les comparer aux originaux, et se dire "Ah ouais, quand même, c’est vachement ressemblant, il est trop fort". Bon, en soi, ce n’est pas grave, mais du coup, quelles chances reste-t-il aux autres acteurs ? Est-ce bien la peine de concourir pour un oscar si on n’a pas incarné un personnage célèbre ? Ellen Page (Juno) et Julie Christie (Loin d’elle), deux autres favorites, n’avaient-elles aucune chance face à la Môme Cotillard ? Tout cela commence à devenir prévisible… et les césars pourraient confirmer la tendance dans les années à venir. Alors quoi? Il n’y a plus de place pour les personnages de fiction aux yeux des professionnels? On ne récompense plus désormais qu’un bon maquilleur et une bonne prestation d’acteur ressemblante. Je ne renie pas la performance de Marion Cotillard, qui est remarquable. Mais tout de même, ne faut-il pas encore plus de talent pour incarner quelqu’un qui n’existe pas, qu’on ne peut pas imiter, qu’on doit créer de toutes pièces? N’est-ce pas aussi cela, une performance d’acteur? Faire croire que son personnage existe réellement, et non pas faire oublier qu'il existe réellement, qu’il n’est pas l’original? Je déplore cette lubie "docu-fiction" qui consiste à ne valoriser chez l’acteur que ce qui est comparable à la réalité. Le roman vaut apparemment moins que la biographie, au cinéma. A force de pouvoir prévoir à l’avance les oscars des meilleurs acteurs, je crains que le biopic ne devienne un passage obligé pour tout acteur souhaitant se faire une renommée (et un palmarès), et ne développe chez les comédiens une inaptitude, peut-être, à inventer quelque chose que la réalité ne nous a pas donné.
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