Comme la plupart des hommes modernes qui osent pleurer et dévoiler leurs faiblesses, je peux l'avouer sans rougir: je ne suis pas fan de mon corps. Je peux, selon les jours, l’apprécier modérément ou franchement le détester. Bon, je suis assez grand, donc au niveau de ma taille je n’ai pas (et n’ai jamais eu, même lorsque j’étais au primaire) de complexe particulier: être un garçon d’1m83, surtout quand on a la fâcheuse habitude de n’être pote qu’avec des filles, ce n’est pas l’horreur absolue. Quoi de plus normal que de dépasser tout cet attroupement d’une tête ? Pour le reste, hélas, rien qui me transcende chez moi, entre mes cuisses de mouche, mon bide qui commence à apparaître sous les T-shirts, mes bras trop longs et trop maigres, mes pectoraux tout mous, mes poils disgracieux… D’ailleurs, à bon entendeur, la prochaine fois que j’entends quelqu’un dire "Ce truc est aussi plat que le cul de Vincent" (oui oui, je l’ai déjà entendu), c’est le plat de ma main qu’il/elle se prend dans le gueule, est-ce clair ? Mais je m’égare...
Donc mon corps, je vis avec, parce que pas vraiment le choix. En plus, il plaît à mon amoureux, ce qui est bien le plus important, tout en étant source de laisser-aller, justement. Non, mon corps n’est pas mon ennemi, il ne me nargue pas dans le miroir en me murmurant que la Une de Têtu, c’est pas pour demain ! Quand je le regarde , je me dis qu’il y a mieux, mais c’est aussi clair qu’il y a pire. Sauf ma tête, elle, je la trouve correcte, à deux ou trois détails près mais l’ensemble me plaît, surtout mon front – allez comprendre. Et la Face Recognition a flatté mon égo le jour où j'ai appris que je ressemblais à 78% à George Clonney, donc tout va bien. Je passe beaucoup de temps, à l’occasion, à me regarder dans la glace, de face comme de profil, je rentre le ventre et je le ressors (beuh…), je danse et je fais du play-back sur Kylie Minogue qui susurre une ritournelle dans la pièce d’à côté. Jamais en public, hein, parce que c’est trop la honte. Et même si c’est complètement ringard, je me trouve (parfois) pas si mal que ça. Mais je voudrais plus.
J’entends déjà la foule huer : pourquoi est-ce que je ne fais pas de sport ? Ben pour une raison toute simple, globalement la même que tout le monde : la fainéantise. J’admets que c’est naze de se plaindre de son bide et de ses cuisses maigres quand on bouffe mal et qu’on ne se fend même pas d’un petit jogging hebdomadaire. Mais je ne suis pas le Méri, moi ! Le sport, c’est bien sympa sur le papier, mais ça fait quand même super mal ! Faîtes moi courir 200m et vous allez comprendre : mon petit cœur bat la chamade, mes poumons sont sur le point d’exploser ou de me ressortir par les narines, mes pieds souffrent, mon corps est inondé d’une transpiration qui est une insulte à mon parfum… Que voulez-vous, je n’aime rien tant que dormir et me vautrer devant ma télé avec de la bouffe (n’importe quoi, ça fait l’affaire) !
Alors quoi, je devrais céder aux sirènes de la futilité et me laisser entraîner dans la valse inévitable du sport ?? Jamais, vous m’entendez ! Je suis au dessus de ça ! Vous relèverez la mauvaise foi absolue de cet argument quand on voit le nombre de produits cosmétiques qui inondent ma salle de bain. Ce qui est assez révélateur : notre société valorise le sport et la diététique, mais propose aussi bon nombre de solutions (onéreuses) pour faire fondre les graisses et disparaître toutes les petites tares (ou désignées comme telles). Pourquoi s’emmerder, dès lors, si on a un physique à peu près correct, à correspondre au physique de Jessica Alba ou du mec à poil de la pub Lac*ste, alors que les laboratoires L'Or*al nous proposent d'y parvenir sans effort? Tant qu’on a la santé… Je pars du principe que si mon corps a cette allure-là sans que je me prive ni que je me force, c’est que ce doit être son état naturel. Alors, autant ne pas trop y retoucher, à part pour ce que l’on consent/supporte. Aujourd’hui, je revendique mon droit à ne pas avoir de muscles, pas parce que j’en veux pas, mais parce que j’ai pas envie de me forcer !
J’aurais aimé que l’on me dise, lorsque j’étais petit, que j’étais mignon. J’étais supposé être la "grosse tête de la famille", whouaou, trop sexy. Mais lorsque je vois ce que sont devenus les fillettes et garçonnets qui avaient du succès et à qui on a, justement, trop dit qu’ils étaient mignons, je trouve que ma progression n’est pas si mal. Quelque chose a changé dans ma vie depuis le collège, et ce n'est pas grâce à Spécial K, mais je suis quand même moins moche qu'avant. Alors que d'autres... Parallèlement à tout ça, j’en connais quelques-uns qui, sans être les mieux foutus du monde, ont décroché le Saint-Graal de la personnalité : ils sont à l’aise avec leur corps ! Si, si, ça existe (à moins que ce ne soit une comédie qu’ils nous jouent pour nous emmerder). Je les envie énormément : ils ont ce qu’on appelle le charme, mais pas celui que vont remarquer deux ou trois personnes dont leur mère. Non, celui qui subjugue tout le monde. Et je ne parle même pas de ceux et celles qui, en plus d’avoir ça, sont vraiment beaux ! J’aimerais vraiment avoir cette assurance, quand je marche dans la rue, quand je suis face à mes camarades de promo (je ne parle pas de drague, là, soyons clairs !) ou en boîte. Mais il y a un sérieux travail à faire pour se plaire tel qu’on est, quand ça ne vient pas naturellement. Tout ça pour dire que si on pouvait, dans les écoles primaires, nous apprendre à nous trouver beaux… ben ça ferait de belles générations d’égocentriques, mais cette névrose-là vaut bien les complexes.